21 décembre 2008

Journal d'une étudiante : La "menine" de J. CABASSUT.


Lors de son denier cours en novembre, P. PEDRO, dans une de ses envolées lyriques et passionnantes dont il a le secret, nous avait raconté sa fascination devant le génie de Vélasquez, notamment dans sa toile des "Ménines". Les Ménines sont les dames de cour de la petite infante d'Espagne, au départ sujet principal du tableau. Cependant le peintre nous présente également l'entourage de la petite reine.
Parmi les Dames de compagnie, une Naine, Donna Isabel est là dans la composition, à nous dévisager, et à nous inviter à entrer dans le tableau. Par de subtil jeu de dispositions et de miroirs, en effet, d'autre personnages qui ne sont pas acteurs principaux de la scène, apparaissent. L'un -l'artiste- se penche, légèrement dans l'ombre, décalé,et nous contemple. D'autres apparaissent, par leur reflet au fond d'un miroir. Là-bas, derrière la scène, un homme soulève un rideau, y penètre-t-il ou va -t-il disparaitre ?



Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver la "Ménina" à ce cours de T.D. de J. CABASSUT ! Mais ici elle ne s'appelle pas Isabel mais Martha...
Tel le peintre, c'est ici le psychologue clinicien qui nous invite à rentrer dans le tableau. Le lieu n'est pas la cour d'Espagne, mais une institution pour handicapés. Et parmi tous les personnages, il y a Martha, qui me fait penser à cette ménine, Isabel. Le peintre, pardon notre prof, nous regarde légèrement ironique : Et bien rentrerez vous dans la réflexion ? Comme le visiteur devant le tableau, je suis spectatrice mais je deviens actrice dans l'exposé de la situation de Martha-Isabel. Elle m'interpelle et nul besoin de paroles de sa part pour aller à sa rencontre, pour réfléchir à la relation établie entre elle et son thérapeute. Et par là même à interroger quelle relation clinique entre une personne et moi-même en tant que professionnelle du social se crée, se met en place et s'élabore. J'accepte l'invitation et je me mets au travail, avec les autres étudiantes ...

Après toutes ces émotions et ces réflexions, nous avons bien besoin des vacances de Noël pour nous remettre, et poursuivre la réflexion !
Alors je vous souhaite à toutes et tous une très belle fin d'année, de bons moments et de belles lectures !

08 décembre 2008

Société en crise / Crise de sociétés.

Cours de P. PEDRO.

La société bouge à grande vitesse, fonctionne au rythme de la finance : il se prépare une crise de l'avenir, il est urgent de la comprendre.

La société se complexifie, on ne peut imaginer les conséquences des décisions prises. Nos relations interpersonnelles transforment complètement nos identités.

Nos ados vivent dans un monde technologique.

La France est une société de statuts, hiérarchisée, datant de l'ancien régime. La société anglo-saxonne a 10 ans d'avance.

Cf. Charles TAYLOR : « Une société fragmentée est celle dont les membres éprouvent de plus en plus de mal à s'identifier à leur collectivité politique en tant que communauté. Cette faible identification reflète peut-être une perspective atomiste qui amène les gens à considérer la société d'un point de vue purement instrumental. Mais la société accentue aussi cette perspective atomiste parce que l'absence de perspective partagée renvoie les gens à eux-même. »

Atomisation : l' atome est incertain, flotte, la société devient liquide, coule.

Existera-t-il encore une société dans l'avenir?

Le droit individuel se développe de plus en plus, alors que le Droit de la famille est remis en cause. Le « chacun son Droit » rompt le lien social, érode la société.

Cf. Michel HOUELLEBECQ : « Les particules élémentaires ».

Le Droit se retrouve aujourd’hui à l'état gazeux, il est flexible : Est-ce encore du Droit?

La société actuelle avance par scandales, par chocs politiques. Notre droit est relié à une culture, le « Droit » est un artifice de langage.

Il existe un « no man’s land » de société où se situe l'adolescence. On ne la comprend pas, ni ne la prenons en compte..

D'après Boris CYRULNICK, soit on décide d'être spécialiste et on cumule des informations sur un point précis ( on sait tout sur ce point mais rien sur le reste), soit on voit un peu partout et on sait rien de précis mais on saisit l'Homme, dans sa complexité.

Actuellement notre vision de l'identité est confondue avec une seule appartenance. Il y a risque de fermeture.

Notre société, composée comme une tour de Babel, est de plus en plus complexe, il y a risque de ne plus se comprendre, cela déclenche une peur réciproque.

3 changements considérable dans les liens qui nous rattachent les uns et les autres.

· Une crise de la relation au temps

Le droit est fondé sur le temps. Pour penser notre société il y a prise en compte du passé, du présent et de l'avenir, mais cela n'est plus articulé. Le temps s'étire en longue durée, les statuts de parent et enfant sont les mêmes à présent.

Que vont vivre nos enfants? Le passé est souvent oublié, devenu incompréhensible, la mémoire est oubliée et il manque le recul du « temps long ».

Le présent est pesant car vécu en temps réel dans une culture de l'immédiateté (mail, portable).

Le futur paraît indiscernable. Gouverner en principe c'est prévoir, mais...

· Une crise de relation à l’espace.

La société rurale a évolué, il n'y a plus que 4% de ruraux, les déplacements sont plus rapides. Avec l'évolution constante, l'espace change, l'espace intergénérationnel également.

En 1968, il y a eu affrontement générationnel, mais maintenant il y a juxtaposition et même concurrence entre plusieurs générations.

Le pouvoir appartient aux individus de 60 à 70 ans et ayant un bon pouvoir d'achat. Il y a peu de dialogue entre les générations.

En banlieue, jeunes et adultes n'ont rien à se dire.

· Crise de la relation à la norme.

Avec la montée de l'individualisme, on veut défendre ses droits, mais chacun essaie de trouver ses propres repères en lui-même. Chacun veut être le chef de projet de sa propre vie et désire une grande liberté.

L'individualisation de la société crée des stratégies sélectives. Dans une société d'individus, il y a un égalisme positif et un égalisme négatif. Dans l'égalisme négatif, les gens se replient sur eux-même et sont inquiets, anxieux.

Les jeunes représentent un égalisme négatif avec une montée en force humanitaire. Avec la crise de la transmission, il y a méfiance envers les autres générations. Le refuge peut se trouver dans l'intime, la famille.

Trois autres crises s'ajoutent à celles du temps, de l'espace et de la normalité :celle touchant au domaine de l'état, de la famille et de l'industrie.

La crise étatique.

Elle est liée à la crise de l'état providence et à la crise de l'encadrement normatif voulu par l'état, c'est à dire,que les français acceptent de moins en moins ce qui vient d'en haut. C'est une volonté de l'individu de se soustraire du collectif.

Il y a volonté d'avoir une protection (mutuelle, assurance, acquis sociaux, etc) mais tout en se tenant à distance du collectif, en bref, avoir une protection collective que quand on en a besoin.

Il y a aspiration à se brancher et débrancher à volonté.

Notes de Michèle (sep 2009), article par Martine.

29 novembre 2008

Claude LEVI-STRAUSS

Sociologue, Ethnologue et philosophe, C. Lévi-Strauss fête ses 100 ans ce mois-ci.

Son expérience, ses découvertes, sa curiosité, nous ont fait découvrir d'autres cultures, d'autres modes de vie et il est intéressant de découvrir son regard aujourd'hui sur notre société.

Journal d'une étudiante (novembre 2008)... donner du sens...



Décidément le D.U., quelque soit la matière enseignée, par ses croisements, ses relations, ses échos durables allant d'un cours à l'autre occupent pas mal de ma pensée et alimentent (du moins je l'espère) ma réflexion.

Ainsi, c'est le centenaire de Claude LEVI-STRAUSS ! Grâce à Gérard NEYRAND, et son panorama de l'ethnologie et de la sociologie, j'ai eu envie d'aller à sa découverte : homme curieux, ouvert, humaniste, un homme que l'on aimerait rencontrer pour sa grande ouverture d'esprit et sa culture. Mais aussi pour aborder certains points douloureux comme une planète "en trop plein" de tout et notamment d'humains... dur dur !
Je dois partir pour les vacances de fin d'année à Paris. Le musée du Quai Branly offrait une journée spéciale pour la collection d'œuvres d'art de Lévi-Strauss le 28 Novembre 2008. J'aimerai bien y refaire un tour, si cette expo perdure, pour aller à la rencontre de ces objets et de ces cultures
"où toutes les rêveries de l'enfance se sont donnée rendez-vous, où des objets indéfinissables guettent le visiteur avec l'anxieuse fixité des visages" ...(1)




Le cours de Droit de la famille nous a montré et rappelé combien le Droit essaie de "coller" au mieux aux "réalités" des familles... Je trouve que, si des avancées sont certaines dans ce domaine, notamment sur la place de l'enfant et son statut au sein de la famille, il n'en va pas de même dans le quotidien et la prise en charge des enfants et des ados.
J'ai lu dans les ASH (2)les propos d'un éducateur, Damien Grethen, qui s'interrogeait ainsi sur la réelle prise en compte des difficultés de la population jeune aujourd'hui, constat que je partage et cette phrase m' a interpellée : "
"La nouvelle loi sur la protection de l'enfance ne porte pas bien son nom, elle fait la part belle aux parents au détriment des enfants..."
Ce sentiment est ressenti surtout quand il y a une multitude de "clignotants" mais qui restent isolés et non inscrits dans une réflexion globale. Trop souvent encore, la protection de l'enfance reste négligée, on colmate les brèches, on tente des expériences (placement, changement d'école, proposition de soins, etc...) Des fois ça marche... et des fois non.
Je constate moi aussi sur le terrain, ces "incasables" décrits dans le rapport de l'Observatoire National de l'enfance en danger (3), ces adolescents qui dérivent de plus en plus et se retrouvent marginalisés, oubliés, ignorés...
Quel devenir pour eux et pour notre société qui constate et ne fait rien... Et je m'inclus parfois moi aussi dans ce cycle infernal !
Ces éléments nous poussent à sortir des logiques institutionnelles. Ainsi D. Grethen note :
"Dés que des clignotants s'allument, il y a lieu de réunir l'ensemble des intervenants".

Et le rapport de l'ONED de rajouter :
"Les professionnels ne devraient pas s'interroger sur le sens du parcours mais aussi sur leur cohérence.
Les institutions continuent, au delà des incantations sur le partenariat, à fonctionner comme avant."

Bon, pour pas casser trop l'ambiance, des nouvelles du groupe : il s'agrandit encore, tant mieux : encore des filles, encore des A.S., décidément "penser le travail social" sur le terrain est exclusivement féminin ! Je blague évidemment, criez pas les mecs! (Coucou aux éducateurs qui bossent avec moi et avec qui on échange beaucoup sur ces questions).


Il est pas sympa ce groupe ?






La fac est pas mal non plus. Le samedi après-midi elle est beaucoup plus calme que le reste de la semaine. D'ailleurs on joue "les voitures balais", dés que nous partons le gardien nous emboîte le pas pour tout fermer à clef!

Les filles du C.G. 05 ont la chance d'avoir une voiture de fonction! Allez à la prochaine les filles !



(1) Libération du 28/11/08 article et photos de la "Lévi-Strauss Collector".
(2) ASH n°2582 du 21 novembre 2008 article "La prévention ne doit pas se faire au détriment des enfants".
(3) ASH n°2576 du 10 octobre 2008 : "Une souffrance maltraitée - Parcours et situations de vie de jeunes dits "incasables"" Chef de projet : Jean Yves Barreyre (sociologue) - Parrainé par l'ONED.

18 novembre 2008

Sociologie cours de Gérard NEYRAND . Approche sociologique de la famille.

L'axe sociologique s'inscrit dans la durée.
Evolution de la notion de "famille".

La famille nucléaire a eu une durée très courte; au 18ème siècle, 80% de la population française était paysanne. (région nord - famille traditionnelle; région centre sud – plus complexe, cohabitation de plusieurs noyaux familiaux.) Cela relativise l'idée de crise de la famille.
Famille: définition large (cousins oncles, etc) à restreinte (quelques personnes). Pour l'anthropologUe, le mariage est à l'origine de la famille.
La famille est centrée sur la vie en commun, dans un même logement; mais une
« famille » sans mariage, sans enfant, sans logement commun et même avec les parents séparés, reste une famille. le terme monoparental n'est pas correct, il faudrait dire « foyer monoparental ».

La trame de l'alliance doit se conformer à des règles, des prohibitions de mariage. On ne peut pas se marier dans sa famille d'origine. Pour qu'une famille se fonde, chaque famille accepte qu'un de ses membres se sépare. Il y a nécessité de communication entre famille pour un mariage.

Existe-t-il un modèle de famille à la base des sociétés humaines?
Non, il y a des règles de la parentalité, des liens de filiation, des liens comportementaux, sociaux, des alliances.
Les règles sont différentes selon les pays, les parents, etc...

Filiation: Reconnaissance de liens qui existent entre les individus :
Dans notre société la mémoire généalogique est très courte, 3-4 générations en moyenne. Dans d'autres sociétés il y a des ancêtres mythiques qui désignent les droits et les devoirs.
Filiation unilinéaire: on ne reconnaît pour parent que ceux qui descendent d'un seul parent. C'est la filiation patrilinéaire ou matrilinéaire. Dans ce lignage, il y a définition d'un clan.

Lignage: rapport religieux, économique, politique; rapport de parenté articulé sur rapport de lignage.(politique au sens de la gestion de la cité).
Dans une société matrilinéaire, l'homme qui est important est le frère de la mère;
Dans une société patrilinéaire, la femme déménage et vient vivre dans la maison du père de son époux.
Il y a transmission du nom, des biens, de privilèges...

La question importante est: « De qui est-on le fils? » d'où l'importance du mariage.

Dans notre société, la filiation est indifférenciée,cognatique. les règles d'alliance sont définies par le mariage.
Dans les systèmes élémentaires, les règles d'alliance donnent les interdictions et les prescriptions, dans les systèmes complexes, les règles d'alliance sont négatives, elles précisent qui on ne peut pas épouser.

Grandes diversités des formes familiales.
L'ordre social est inscrit dans une parenté incorporée, dans la conscience et le corps, c'est constitutif de l'individu.
(exemple dans certaines société cela amène à la réincarnation)
Les systèmes sont imbriqués avec les autres rapports sociaux, supports d'autre chose que d'eux-même. Parenté subordonnée à d'autres rapports sociaux, politique, économique, religieux. Il y a un effet de marquage des autres rapports sociaux.

Toute personne née avec une place non négociable se retrouve en position de « dette de vie » envers ses parents, sa société.
Prise de distance avec l'analyse structurale, par exemple avec GODELIER.
Certains exemples ne rentraient pas sur le modèle structurale, il y a eu évaluation de ses limites et contestation de l'œuvre de Lévi- Strauss.(immense anthropologue et père de la sociologie en France)
Il existe un lien entre des sociétés disparates. Cela remet en cause le caractère universel de l'échange des femmes et la domination masculine.
L'émergence de la pensée symbolique devait exiger que comme les paroles, les femmes s'échangent.(passage à la famille de l'homme). Les personnes échangées dans le cadre du mariage ne sont pas aliénées, elles gardent leur lignage. On cède le droit sur les personnes et non les personnes elles-mêmes. (droit sur sexualité, reproduction, etc) la comparaison avec l'échange économique n'est pas valable. La femme reste rattachée à son groupe familial avec ses droits et devoirs. L'échange se fait toujours avec les droits et devoirs.

Françoise HERITIER avance l'idée que l'identité de genre est plus fondamentale que l'identité de sang. Les rapports entre sexualité et pouvoir ont tendance à être repenser. La domination des hommes sur les femmes existe mais ce n'est pas le fondement de la parenté.
(sexe: référence biologique, genre: référence culturelle)
La sexualité est toujours prise dans d'autres rapports sociaux (politique, religieux, économique), il y a subordination d'un domaine de la vie sociale et non du sexe.
(corps sexué: machine ventriloque du social, quelque chose d'autre parle à travers le corps sexué. Chaque société a des mythes interprétatifs de l'ordre du monde. Dans notre société il y a le christianisme, Marie/Jésus.) Cela donne naissance a des phantasmes. La place du corps représente l'ordre social. (somatique)
On se tient selon un certain ordre social établi (code), l'ordre social s'inscrit dans le corps au delà du langage. (attitude)
Le corps est source d'évidence sociale et cosmique. Il y a incorporation du social.
Hexis corporelle: c'est la façon dont notre corps a intégré les codes sociaux;
Corps et psychanalyse: incorporation qui façonne ce que chacun a de plus secret.
En 1970, apparition de l'idée de l' « anti œdipe », questionnement du mythe freudien. Les théories globalisantes évoluent.
FREUD a toujours été en recherche, aussi, dans son oeuvre immense, il y a des contradictions. Féticher les théories de FREUD reviendrait à figer ses idées.
La socialisation du pulsionnel s'inscrit dans le corps. Il y a mentalisation de ce à quoi le corps est soumis.

Caractéristique de l'Homme: vit en société, est un produit de la société.
L'Homme a la capacité de se représenter de façon abstraite ses rapports à la société (réflexivité)d'où l'importance de la socialisation primaire, il y a mise en place de sa capacité à la représentation, à la mentalisation de son existence.

Notes de Michèle, 12 septembre 08.

12 novembre 2008

Un peu de paradoxe ...

Pour ceux qui le souhaitent vous pouvez consulter ce texte de Hélène BIAUSSER dans sa totalité, avec le lien indiqué en bas de page. Bonne lecture de ces quelques extraits , et attention aux urgences ! H.M.
Louise Bourgeois

Le paradoxe tue-t-il le système ou l’enrichit-il ?

Par Evelyne BIAUSSER, Consultante en Réorganisation auprès de la Fonction Publique Territoriale, Enseignante en GRH, Epistémologue.

"Dans un premier temps, j’énoncerai les différents paradoxes auxquels sont confrontés les décisionnaires dans le monde du travail, comme autant d’injonctions contraires, se traduisant par des divorces cognitifs ou éthiques, et composant un environnement organisationnel chaotique."

"Comment enfin faire coïncider l’hélice humaniste et l’hélice du pouvoir ?

Comment continuer à véhiculer des valeurs parmi des structures qui ne les respectent pas ? Pour ne citer que quelques manifestations du paradoxe…

Dans une deuxième partie, en m’appuyant sur le paradigme de la Pensée complexe, je recenserai les attitudes nouvelles et favorables pour mieux fonctionner dans ce chaos.

En conclusion, j’inviterai le lecteur à traiter le paradoxe comme un enrichissement, une opérationalité nouvelle, une chance à saisir comme un degré supérieur d’intelligence, une autre étape de l’hominisation – vers l’humanisation ?
...
J’ai placé cette réflexion dans le cadre des « contradictions organisationnelles ». Mais elle pourrait tout aussi légitimement s’inscrire dans le thème des « contradictions intra-psychiques » ou dans celui des « contradictions interpersonnelles », parce que les unes entraînent ou redéfinissent forcément les autres, puisque l’intrication des niveaux de paradoxe détermine désormais un éco-système professionnel complexe."

« Est-ce urgent ? » m’enquéré-je régulièrement auprès de mes donneurs d’ordre, dans un reliquat d’esprit de contradiction et d’humour anarchique de 3ème degré…
La réponse est immuablement indignée : « évidemment !».

Ainsi, d’urgence en urgence, le rythme s’emballe, en faisant disparaître les espaces de réflexion, de recul, les « silences » musicaux.
Je citerai l’anecdote – comique si elle ne recouvrait la souffrance d’un cadre- d’un Chargé de communication sortant du bureau d’un Directeur qui venait de lui confier la réalisation d’une plaquette d’information. Au moment où il arrive dans le sien quelques minutes après, décrochant le téléphone insistant, il s’entend demander par l’homme qu’il venait de quitter : « Alors, c’est fait ? » ! Le cadre en question, pris de fureur, hurla dans les couloirs à l’attention de tous, son incompréhension d’un système qui le trahissait, alors qu’il l’avait si bien servi en entrant dans cette spirale d’accélération, toujours plus d’efforts pour aller plus vite, plus loin, plus fort…
Ce cadre, comme tant d’autres, était rattrapé par le paradoxe des échelles différentes voire contradictoires auquel nous sommes confrontés : ici, c’est le télescopage entre l’urgence et l’espace temporel minimum qui nous est nécessaire pour penser et faire. Quelle construction humaine peut durer sans durée ? Il faut toujours -à peu près- le même temps à l’esprit pour acquérir des compétences, pour tirer savoir de l’expérience ou pour faire avec les autres, c’est-à-dire pour construire."
...
« Nous avons besoin de gens créatifs » titrent régulièrement les annonces d’emploi des grands groupes. Quelques frais émoulus d’Ecoles se ruent naïvement dans cette voie…pour s’entendre, dès le premier entretien de recrutement, demander de justifier sérieusement le moindre petit accroc dans leur parcours les éloignant du formatage, de plus en plus réducteur d’humanité, que cautionnent les chargés de recrutement de tout poil. « Toute vérité naît malgré l’évidence » pourrait rappeler Bachelard à ces petits censeurs, gardiens d’un ordre qu’ils desservent…(in La formation de l’esprit scientifique). Mais les règles sont tellement peu claires entre 2 discours, que là aussi les décisionnaires, ne sachant auquel prétendre et se référer, choisissent (?) l’absence de choix. D’où les processus sans fin (ni finalité ?) de certains recrutements à priori « urgents ».
...
On retrouve ce divorce entre factualité et globalité dans le travail social. Ce que commande l’Institution ( Mairie ou Conseil général) est de l’ordre du très court terme, sous prétexte que le problème se situe dans l’urgence : le travailleur social doit fournir une réponse factuelle, telle qu’une aide financière, un logement, une hospitalisation, etc. Mais ce que demande un RMIste ou un SDF appelle une réponse globale : la compréhension de son système de structuration/déstructuration. C’est aussi à cette demande que veut satisfaire le plus souvent le travailleur social, mais on l’aura compris, une réponse factuelle est plus visible dans une politique électorale…"

Texte complet sur :

">http://www.biausser.fr/html/2002_ipm_pau.html

21 octobre 2008

Journal d'une étudiante (octobre 2008).

Déjà la 3° fois que notre groupe d'étudiantes se retrouvent (oui, nous avons eu deux sessions en septembre, j'ai un peu triché) et nous nous (re)connaissons... Notre groupe s'élargit : 2 autres collègues du VAR nous ont rejoint, toutes 2 assistantes sociales de formation.
Nous retrouvons également Philippe PEDRO, Juriste et...Philosophe provocateur !



L'enseignement de P. PEDRO est riche et foisonnant, il mêle habilement citations, considérations personnelles, articles de presse, livres (tous exposés devant nous) débat (notamment sur le rôle des partenaires sociaux, sujet parfois épidermique) et textes de loi...
Son propos est vif, drôle et pertinent, il bouscule les idées reçues et se situe dans la confrontation d'idées. Par contre il provoque des remous et certains échanges étaient tendus, me semble-t-il...
En tout cas, "repolitiser le social", "Redéfinir radicalement les institutions", voilà un programme ambitieux et qui nous a donné du grain à moudre, entre nous, bien après les cours !

Au delà de l'exercice, c'est une foule d'interrogations qui s'imposent à nous : que devient la société "de consommation "? Qu'est ce que la réforme ? Quelle est la place des élites ? Comment laisse-ton s'implanter la précarité et la misère, alors qu'elle nous révolte (enfin... certains )? Quelle place pour les adolescents ? La sociologie a-t-elle encore un avenir ?...

Nous avons commencé un nouveau cours , sur l"Evolution du système de protection en France", confronté aux modèles Bismarkien (Allemagne) et Beveridgien (Angleterre). Et le bouleversement qu'a constitué la création du système de sécurité sociale avec l'ordonnance du 4 Octobre 1945, qui a marqué un tournant dans le domaine de la protection sociale.
Cependant souligne P. PEDRO, ce système "craque" actuellement, c'est un système "mosaïque" et qui devient inégalitaire : les personnes les mieux protégées ... sont les plus riches et profitent le plus longtemps du système !



J'oubliais : nous avons fait la connaissance de Elisabeth PAILLET, qui nous a donné un cours de Droit de 2 heures, très organisé, très cadré (l'opposé de M. PEDRO en somme mais complémentaire)sur "l'évolution du droit de la famille". C'est vraiment une chance de pouvoir aborder ces thèmes, de les élargir et de les conceptualiser, pour nourrir notre réflexion et notre pratique... sans oublier d'élaborer notre problématique (pas vrai Michèle ?).

18 octobre 2008

idée de lecture: roman "les magiciens de l'âme" d'Isabelle HAUSSER 1996

"A l'automne 1991, le docteur Apraxine, un Alemand d'origine russe, s'installe à Moscou afin d'aider la toute jeune Association de psychanalyse, créée en Russie après 70 ans d'interdiction."
Roman passionnant sur ce Moscou de l'après communisme, le chaos, les grands mouvements de société, la psychanalyse aux bouleversements de l'Histoire et puis, l'enfance, le passé, les secrets.
Date de 1996 mais tellement moderne et proche de notre vision globale du monde...
Petit extrait:
- " Je me doute de ce que vous pensez. J'ai fini par savoir comment les Occidentaux jugent mon pays. Je peux vous réciter la liste des critiques qu'ils formulent et celle des reproches qu'ils n'osent pas exprimer ouvertement. Je ne pense pas que vous fassiez exception, même avec des gênes russes. Ce ne sont pas eux qui font la différence, c'est la culture. Et votre culture n'est pas la nôtre."
- "Non, j'aimerais que nous parlions de la coïncidence entre la situation de l'Allemagne et celle de la Russie. Nos pays sont tous deux à un tournant de leur histoire, à une époque de révisions déchirantes. Votre Allemagne a disparu et mon Union Soviétique aussi. Nos univers ont basculé mais de manières diamétralement opposée. Nous sommes dans le cours d'un processus de morcellement, alors que vous vous réunifiez. Nous avons dû renoncer à une partie de nous-mêmes alors que vous venez de retrouver votre autre moitié."
-" Vous voulez dire que vous vous sentez affaiblis alors que nous nous sommes renforcés?"
- "Non, il s'agit d'un mouvement de balancier inévitable. Vous n'êtes devenus plus puissants que parce que nous nous sommes affaiblis. Vous n'y êtes pour rien. C'est la Russie le levier de l'Histoire. Mais j'aimerais savoir dans quelle mesure ces changements affecteront nos peuples."
- "Les individus?"
- "Non, les peuples. Le caractère national en sera-t-il modifié? Ne va-t-on pas assister à un retour au galop du tempérament naturel de nos peuples?"
- "Vous avez tort, Wolf Dimitrievitch. Moi je crois à la force des peuples. Je crois que les peuples ont une âme, qui est autre chose que l'addition de celles des individus qui les composent. Je crois que l'âme des peuples est capable d'aussi grandes souffrances que celles des individus. Mais qui sont ses thérapeutes?"
- "Les hommes politiques"
........Ah! Ah! vous voudriez en savoir plus! C'est vrai que la suite sur les hommes politiques-thérapeutes est fort surprenante! je peux vous passer le livre... trouvé "à la petite ourse". Qu'on se le dise!
Isa
PS: maintenant que je sais me servir du blog, "méfi"!...


une logique de la communication

Chapitre 7 1à 3 : Le paradoxe en psychothérapie


7.1 L'illusion du choix possible

Le chevalier de Barth : « c'est l'histoire……….. d'un homme, confronté à différents choix :
- « chercher la réponse à la question du désir des femmes…ou mourir » (reine)
- « obtenir la réponse auprès de la sorcière….ou ne pas la demander et mourir »
- « obtenir cette réponse auprès de la sorcière et donc faire tout ce que cette dernière voudra »
- « accepter pour femme la sorcière laide mais fidèle ….ou l'accepter jolie mais infidèle » etc….

On voit bien que chacun des choix que ferait le chevalier l'amènerait à une impasse et c'est bien ce que lui dit la sorcière (cf 7.1).
Alors que faire ?

Et bien le « dénouement » de ce choix impossible va passer par le « je ne choisis ni l'un ni l'autre » du chevalier, c'est à dire par le fait de récuser la nécessité même du choix (cf p.234)

Mais ceci implique que le chevalier prenne du recul face à cette double contrainte qui le confronte à des choix de plus en plus difficiles et le met dans l'illusion d'un choix facilitateur.
Ce recul lui permet de se soustraire à cette double contrainte et de se libérer ; mais aussi libérer les femmes (la reine, la sorcière).

Oui, la double contrainte enferme.

Et voici la morale de l'histoire…
Aucun changement ne peut se faire de l'intérieur tant la double contrainte est enfermante, comme toutes les communications paradoxales.
Si un changement est possible, il ne peut se produire qu'en sortant de ce modèle. Et c'est valable pour tout système quel qu'il soit.

7.2 Le jeu sans fin
Le jeu sans fin est lui aussi un mode de communication paradoxale et donc enfermant ; on ne peut l'arrêter qu'en en sortant et en pouvant alors communiquer sur le jeu lui-même
(« métacommunication»).
Il part d'une convention de codages des messages que s'envoient des personnes ou des systèmes partageant le même langage (une règle du jeu).
Cette convention passée est parfois tellement fermée qu'elle ne permet plus aucun changement du mode de communication, ni même aucune métacommunication…

7.2.1 D'où la nécessaire intervention d'un élément extérieur qui peut être, en psychothérapie, le psychothérapeute (p.237)
Le psychothérapeute va constituer un système nouveau et plus large (7.2.2 p.239) qui sort de l'ancien système (ex 3 ≠ la dyade mari- femme).
Il va aussi imposer, dans ce nouveau système, de nouvelles règles.
Il va utiliser toute la puissance du paradoxe pour améliorer la communication.
Par ex : il va prescrire le symptôme.

7.3 p.240 Prescrire le symptôme
Le thérapeute va devoir dépasser les simples conseils inefficaces car eux aussi enfermants.
A quelqu'un qui se plaint de ne pouvoir rien faire et n'avoir aucun désir, il ne sert à rien de dire "allez, bouges-toi !".

Un symptôme est un segment de comportement spontané, autonome car indépendant de la volonté de la personne et que la personne vit ainsi comme quelque chose qu'elle ne peut pas maîtriser. ex : désir soudain d'alcool ou autre produit et addiction qui s'impose. C'est cette oscillation entre spontanéité et contrainte qui rend le système paradoxal

(p.240).

Si le thérapeute veut influencer le comportement de quelqu'un, il n'a que deux manières d'y parvenir :
- la 1ère : persuader la personne de se comporter autrement mais « inutile » (cf ci-dessus)
- la 2ème : la
persuader de se comporter comme elle le fait déjà = « prescrire le symptôme »
Ce qui revient à lui dire « soyez spontané ». Magnifique paradoxe et double contrainte où le thérapeute exige un comportement spontané!
« soyez » = obéir à un ordre
≠ « spontané »= sous entend absence de contrainte et libre champ à la spontanéité…

En « prescrivant le symptôme », le thérapeute impose au patient une modification de son comportement.
Le tiers extérieur qu'il est, a pu modifier les règles du jeu (p.241), en imposer de nouvelles au patient et par là même lui permettre de sortir de ce jeu dans lequel il s'était lui même enfermé.

C'est toute la différence entre:

"je fais ainsi parce que je ne peux pas m'en empêcher"

Et
« je fais ainsi parce que mon thérapeute me le dit »

7.3.2 Psychanalyse et thérapie comportementale

Prescrire le symptôme ( double contrainte visant à faire disparaître le symptôme) peut paraître en contradiction ouverte avec le principe de la psychanalyse : « aucune intervention directe sur le symptôme »… mais la thérapie comportementale, en modifiant le comportement (déconditionnement), n'entraine en fait rien de bien fâcheux (sauf si bien sûr l'indication est erronée :ex : forcer un anorexique à manger…

On peut aussi dire que, si en thérapie comportementale, le thérapeute amène le patient à agir directement sur son symptôme, il l'amène aussi ainsi à découvrir qu'il peut s'en libérer.
On retrouve alors le principe psychanalytique de la « prise de conscience » qui amène le patient à s'auto-libérer.

Du point de vue qui est le nôtre, c'est à dire celui de la communication, on s'attache beaucoup plus au symptôme qu'on ne pourrait le croire.
En effet, lorsque le thérapeute laisse volontairement de côté les plaintes de son patient, il lui signifie que, pour l'instant, ça ne fait rien si ce dernier a ce symptôme. La seule chose qui importe est de savoir « ce qu'il y a derrière ».
Le fameux « à quoi ça sert ? » !
Ex/le symptôme alcool : « à quoi sert-il ? » et non « comment le supprimer ? »

Il est bon d'accorder beaucoup plus d'attention au bénéfice curatif de l'attitude permissive ex : exprimer le plaisir de boire.

7.3.3 Une logique de la communication
Pour finir, il faut rappeler l'aspect spécifique d'une logique de la communication qui considère la psychopathologie comme un système en interaction alors que la thérapie comportementale considère l'individu comme une monade et s'attache à lui seul pour l'amener à déconditionner ses comportements.
On a ainsi pu remarquer qu'après une thérapie comportementale, l'amélioration évidente d'un patient semblait n'avoir aucun effet sur l'interaction de ses partenaires et même que, si interaction il y avait, la thérapie comportementale ne s'attachait pas au système mais traitait encore ce nouvel état comme une monade isolée.

Alors que, dans une logique de la communication et suivant le principe d'homéostasie (qui consiste à ce que le système perturbé soit toujours ramené à son délicat point d'équilibre), on s'attache au fait que tout changement chez l'un des membres du système, entraine l'apparition d'un nouveau problème ou l'aggravation d'un état déjà existant chez un autre des membres du système.
Ex:/le symptôme alcool : un membre du système « famille » se fait soigner
Un autre membre de ce système « famille » craque ou déprime.

La suite est à découvrir dans le livre "une logique de la communication"!....

Isa





08 octobre 2008

Journal d'une "étudiante" !!! septembre 2008.

une rentrée universitaire sur les chapeaux de roue !

Ça y est, les cours ont commencé, et le programme est fort riche dés le début. On en a eu plein la tête, du coup vus les apports théoriques, on a été un peu sonnées la première séquence de septembre !

Le 05 est représentée en force : on est 7 sur les 14 stagiaires. C'est du lourd !

Les premiers cours étaient largement orientés vers la sociologie, avec un passage par l'anthropologie et des références bibliographiques en cascade. Gérard NEYRANT, sociologue, psychologue clinicien (et oui il a les 2 formations) s'avère un prof très intéressant et sympathique qui plus est. En plus,il trouve le temps de publier (biblio va suivre).

Bientôt en ligne, le plan de nos cours et certaines sont prêtes à retranscrire leurs notes ! C'est vrai, elles s'y sont engagées !

L'apport sociologique ouvre d'autres champs, il éclaire le contexte "sous grand angle".
Le rappel de l'évolution de la famille était également pertinent, mais il est d'autant plus complexe que toutes les formes de familles existent aujourd'hui...

Aspect psychologique et psychanalytique en parallèle, présenté par J.M. VIVES, psychanalyste, chercheur à l'université de Nice et très impliqué dans ce D.U. Très ouvert, il nous questionne sur nos pratiques ... mais aussi nous livre son questionnement personnel sur sa pratique de psychanalyste.



Une petite réflexion : je trouve les "psys" beaucoup plus prêts que les travailleurs sociaux à questionner leur pratique. La supervision est obligatoire pour exercer, si j'ai bien saisi, et ils évoquent régulièrement, en face à face avec un autre praticien, des situations de patients.
C'est rarement le cas pour nous ! Encore moins face à un autre travailleur social ! On est peut-être encore dans le jugement et la crainte de ne pas savoir "bien faire "?

Enfin rappel par C. MEHU de notre travail de mémoire écrit avec soutenance en 2° année, pour nous rappeler qu'on est là pour bosser ! Merci Catherine...

MA

19 septembre 2008

« Les objets flottants, Méthodes d’entretiens systémiques » par Philippe Caillé et Yveline Rey, Editions Fabert, 2004, ISBN 2-907-164 63 5, 210 page

L’ouvrage est publié dans la collection « Psychothérapies créatives » qui oeuvre dans le champ de l’interaction entre les patients, les familles et les thérapeutes.
Les auteurs, eux-mêmes thérapeutes systémiques familiaux, ont ressenti la nécessité de rendre compte de l’enrichissement que la pratique de ces objets flottants (« rituels thérapeutiques ») leur a apportée depuis la 1ère édition de 1994.

« Les objets flottants » s’ouvre sur un métalogue entre les 2 co-auteurs (qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de Bio et Métapho dans l’Encyclopédie Térence ) expliquant leur prédilection pour le langage analogique (non verbal), en tant qu’outil permettant aux couples et aux familles venus les consulter de sortir de l’impasse des mots.
Le recours à l’objet flottant crée un espace de liberté et de rencontre entre thérapeutes et familles tout en fixant le cadre de cette rencontre, ces conditions réalisant l’émergence possible d’un « passage » - comprendre par là la transformation de l’écologie d’une famille.
Dans cette « ouverture » ( les auteurs emploient souvent des termes musicaux pour parler de leur pratique), distance est prise aussi avec « l’objet transitionnel » de D.W. Winnicot, s’intéressant plutôt au développement individuel (via la cicatrisation de la séparation de l’enfant avec sa mère) alors que les auteurs place leur analyse dans le « champ de l’épistémologie systémique », c’est-à-dire quelle place joue l’individu dans le système et quelle place lui fait jouer le système.

Une première courte partie traite ensuite de la complexité aujourd’hui ressentie de la thérapie familiale.
L’idée principale qui en découle est le refus de concevoir la thérapie comme la réparation mécaniste d’une panne, sous peine, insistent les auteurs, d’aboutir à la panne du thérapeute.
Celui-ci doit donc maintenir à l’oeuvre une dialogique ( dans l’acception d’Edgar Morin, dont les auteurs se réclament à plusieurs reprises ) appartenance/individuation pour les membres de la famille, écartelés entre la fidélité au système familial et la rupture d’avec lui pour exister.
En tant que système vivant, la famille nécessite un degré de désordre égal à son besoin de cohérence, et ce n’est pas la moindre tâche du thérapeute, que de créer un espace de juxtaposition entre ces deux contraires encore.
Ces constatations amènent le thérapeute à travailler avec/sur le savoir familial, qui peut être vu comme le paradigme ( « l’Absolu familial » ) faisant fonctionner le système famille.
Cette croyance, ces valeurs de base qui ont construit la famille, vacillent à un moment de son histoire, entraînant souffrance, peur et inhibition relationnelle. Malgré ces conséquences graves, la famille n’arrive pas à changer de paradigme, à faire place à un nouvel « Absolu » moins rigide et plus adapté.
La grande difficulté thérapeutique consiste donc à faire changer la famille de paradigme fondateur, ce qui, comme chacun sait depuis Bateson , ne se décrète pas !
Les auteurs ont donc opté pour un savoir « constructiviste », parce que facilitateur de métasavoir. Aussi bien pour le thérapeute – celui-ci sortant de ses solutions a priori- que pour la famille –celle-ci apprenant à être autrement en apprenant sur elle.
Sur ce fond conceptuel, l’objet flottant est alors initiateur de cet espace intermédiaire, ni tout à fait celui du thérapeute, ni tout à fait celui de la famille, créateur d’un vide que les interlocuteurs vont remplir de leur (s) rencontre(s)

La deuxième, et principale, partie du livre présente sept « objets flottants », illustrés par des cas de thérapie ainsi que des conseils pour les utiliser.

La sculpturation du modèle familial se fait en deux temps.
Le thérapeute demande aux membres de la famille de « sculpter » ladite famille dans ses échanges habituels. La statue de chaque membre « représente » tous les membres de la famille tels qu’il les voit en interaction.
Une deuxième séance est consacrée à sculpter en quoi la famille est différente des autres, la « représentation » se fait sous une forme non humaine.
Le thérapeute accède là à deux prises d’information par le non verbal : au niveau rituel et au niveau mythique, afin de faire avancer les patients vers la prise de conscience du paradigme dominant, l’Absolu savoir qui fonde l’existence de ce système famille-là. Une variante du principe existe, due à Luigi Onnis : on demande les sculpturations du passé et de l’avenir, méthode qui semble moins menaçante à certaines familles, notamment celles psychosomatiques.

La chaise vide du « Plus-un » vise aussi à faire émerger et admettre le modèle familial. Cet Absolu est le « Plus-un », le membre supplémentaire représenté par une chaise vide au cours des séances, et avec lequel les membres doivent dialoguer. Cette « tierce personne » symbolique permet aussi une triangulation des rapports conflictuels entre deux membres de la famille, les sortant ainsi du blocage.

Le conte systémique permet d’affiner encore les prises de conscience qu’a réalisées la famille au cours de sa thérapie. Reprenant les principes du conte classique, l’écriture transporte dans un autre temps et un autre lieu la famille, lui permettant une distance avec son histoire en la présentant comme une légende. Le conte est écrit par le thérapeute avec les données qu’il a collectées lors des entretiens par les autres « objets flottants » mais il reste inachevé, à charge de chaque membre de la famille d’en fournir une fin. L’Absolu familial peut ensuite être davantage parlé entre le thérapeute et la famille. Autre utilisation du conte systémique : celui-ci peut servir de transition ultime entre thérapeute et famille avant de se quitter : en quelque sorte, il médiatise la fin de cet espace-temps intermédiaire qu’était la thérapie.

La fabrication des masques augmente l’intensité dramatique dans la relation thérapeutique, apportant des informations de type émotionnel et mythique. On demande aux membres de la famille de confectionner un masque représentant chacun de ses parents, même s’ils sont décédés. Les masques tiennent plutôt de la caricature, avec quelques traits forcés.
Ensuite chacun parle au masque qui est exposé au milieu de la pièce, et dit quel est le message délivré par le masque.
Cette méthode assure, outre une libération de la parole, une prise de conscience des rôles tenus dans la famille, de leur rigidité menant à l’impasse, et de la possibilité d’en changer. A la fin de la séance, on demande aux acteurs s’ils gardent les masques qu’ils ont confectionnés ou s’ils peuvent en changer.

Le jeu de l’oie (loi) systémique s’inspire lui aussi du vrai jeu de l’oie et permet d’avancer dans le travail sur l’individuation/appartenance des membres de la famille.
Le thérapeute demande à la famille de choisir dix événements fondateurs dans son histoire. Il écrit sous leur dictée les fiches relatant ces événements, dont le choix commun facilite déjà les interactions familiales. Puis chaque membre attribue un symbole à chaque événement, tels qu’ils existent dans le vrai jeu : l’oie qui fait sauter les obstacles, la prison qui immobilise, le puits qui est un danger, l’hôtel un repos, le pont qui unit, le labyrinthe qui confronte à ses propres ressources, la mort qui est la fin d’une chose. Enfin, chaque « joueur » est invité à écrire ou dessiner les cases de départ et d’arrivée, laissées vierges. Cette dernière phase laisse souvent apparaître le respect de l’opinion des autres membres familiaux, porte d’espoir vers l’acceptation de l’individuation.

Le Blason consiste à faire dessiner/écrire à la famille un blason illustrant ses valeurs premières. Il s’agit de travailler sur la culture d’appartenance. Une devise chapeaute quatre cases : celles du présent, du passé, de l’avenir, et le dessin d’un objet emblématique. Ce blason, en condensant l’émotionnel lié à la souffrance de la situation du couple ou de la famille, va la rendre accessible et donc la faire évoluer.

L’équipe réfléchissante permet à un thérapeute de ne pas se laisser aspirer par le problème du patient. Celui-ci appelle à l’aide une équipe réfléchissante, composée de thérapeutes qui ne vont pas se mêler de thérapie, mais présenter une réflexion sur l’interaction entre le thérapeute et ses patients, risquant donc de faire émerger « le modèle qui semble gérer leur interaction ». Cette interaction décalée va amener des ouvertures alternatives, richesse qui éloignera tous les acteurs en présence d’un modèle à causalité linéaire.

Ainsi tous ces objets flottants par l’espace qu’ils créent, suspendu entre deux mondes, décalé de la réalité que les acteurs vivent ailleurs, apparaissent comme autant de balises d’un « passage : entre groupe et individu, entre intérieur et extérieur, entre passé et futur ». Passage qui fera muter les acteurs de l’épistémologie de la panne à l’épistémologie de la crise, d’où pourra naître l’évolution. A la condition expresse, toutefois, de ne pas transformer les objets flottants en totem, en outil magique- sous peine de réintroduire la réduction que l’on traquait.

En guise de conclusion, les auteurs ont voulu revenir à un propos plus épistémologique, où l’on voit défiler le Temps, le chaos, l’ordre et le désordre, sans qu’il soit toujours possible de les relier nettement aux objets flottants...
Qu’importe, nous retiendrons plutôt la créativité dialogique induite par le voeu final des auteurs : que le lecteur trouve à travers ces pages rigueur et poésie, le convainquant de poursuivre son difficile travail thérapeutique.
 par Hélène MIMENZA.

02 septembre 2008

L'ARTICULATION GLOBAL/ LOCAL. Le territoire, un espace à penser.

Article de M. ASSANDRI d’après l'intervention de C.MEHU.

C. MEHU, Psychologue clinicienne, Formatrice et Superviseur au C.R.A.F. 05.


Lors de notre dernière supervision (juillet 2008), C. MEHU, le Superviseur a échangé avec nous autour de quelques concepts .

Il me semblait intéressant de vous livrer certaines notes (sûrement fort incomplètes) concernant les articulations entre extra-global et extra-local.


Selon C.MEHU, « le paradigme de la complexité se joue sur le territoire. Travailler le territoire devient essentiel ».

La base de cette refonte est extra-globale : Actuellement la base est l ‘AGENDA 21 validé par l’ONU, qui se décline à tous les niveaux, monde, états, régions, collectivités, individus.

Qu’est ce que l’agenda 21 ?

C’est un cadre de référence; ce cadre de référence est suffisamment large pour transcender les parties. Cela implique une pensée circulaire, une autre façon de réfléchir et d’approcher globalement les enjeux qui se posent au niveau mondial



EXTRA GLOBAL
.........> L'ESPRIT

Le sens, l’Histoire, la Philosophie

l’Ethique, les lois, les principes fondateurs

Exemple : l’AGENDA 21.




EXTRA LOCAL

:

:

TERRITOIRE



déclinaisons …...>


Exemple : Le cadre curriculaire , projet européen de John BENNETH, reconnu par l’UNESCO pour les

0 / 3 ans (pas encore en France).

Déclinaison de l’agenda 21 à Echirolles (38).

L’idée de « développement durable ».


Cette articulation entre global et local suppose un partage de ce cadre de référence, et l’articulation entre ces parties n’est pas une solution à un problème mais met en lumière le symptôme, le « à quoi ça sert ».

Le symptôme agit comme révélateur d’autre chose.

Evidemment le texte n’a d’intérêt que si l’on peut le discuter, confronter ses idées.

Quand on parle de « consensus » il ne faut pas avoir en tête le « consensus mou », mais un consensus optimal et créatif basé sur une confrontation des idées.

La confrontation des idées est une richesse, à ne pas craindre car la conflictualisation des idées est créatrice.

Le consensus ne peut exister que si le groupe existe. Cela implique une théorie et une méthodologie.

On se retrouve ici dans une méthodologie de la relation.

La créativité collective est lié à la créativité individuelle, indissociable l’une de l’autre.

C’est un objet flottant, une dynamique.

« La culture de l’intervalle » (cf. C. WILKENING « Eloge de la caresse »), se travaille sur un ciment commun; c’est l’heure de l’inclusion des choses, l’ère des articulations

Le P.R.D.S. (projet régional de développement social) actuellement en travail sur Perpignan obéit aux mêmes mécanismes systémiques, travaille dans le même esprit que le C.R.AF. (centre de ressources et d’accompagnement des familles) de Hautes-Alpes : Travailler la relation pour arriver au projet.

N.B. : S’il peut y avoir consensus dans une famille (!), la famille n’est cependant pas un groupe :

· C’est une hiérarchie.

· Ce n’est pas du transversal ;

C’est une institution : il y a donc articulation entre le vertical et l’horizontal.

05 août 2008

un petit tour dans "oasis"

Et non cela n'est pas une envie subite de voyage mais plutôt un besoin de me relier à des textes qui décrivent et ressourcent mon positionnement de travailleur social!!
Oasis le portail du travail social est une mine de textes qui nous éclairent, nous confortent , nous étonnent parfois, et en ces temps chauds (dans plusieurs sens!!)
Je ne peux m'empêcher comme un clin d'oeil de vous inviter à lire ce texte sur l'engagement collectif comme valorisation du travail social, ou vous retrouverez des termes de nos derniers échanges...
Bon été à tous et que la rentrée soit constructive et créative

http://www.travail-social.com/spip.php?article309

15 juillet 2008

Fiche de lecture d’Evelyne BIAUSSER : "Seconde cybernétique et complexité" . Transmis par Hélène

Sous la direction d’Evelyne Andreewsky et Robert Delorme.
Ed L’Harmattan /Collection Ingenium, 2006, 169 pages, ISBN : 2-296-00473-3, EAN : 9782296004733.
Ce livre est né d’un colloque en hommage à Heinz Von Foerster, qui s’est tenu le 24 octobre 2004 à Paris VII, conjointement organisé par l’Afscet[1] et Aemcx[2].
Y figurent deux conférences du « penseur » - la difficulté à le nommer nous indique déjà sa foisonnante transdisciplinarité – sur l’éthique et la responsabilité ; et les interventions de six chercheurs contemporains qui témoignent de son héritage fertile dans des champs aussi divers que la biologie (Henri Atlan), l’épistémologie génétique (Mauro Ceruti), la philosophie morale et politique (Jean-Pierre Dupuy), la psychothérapie (Jacques Miermont), la pensée complexe (Edgar Morin), les mathématiques (Robert Vallée).
L’une des particularités, non des moindres, d’Heinz von Foerster, ayant été, ainsi que le rappelle Robert Delorme, de n’avoir pas écrit de livre, même si en 2003 – un an après sa mort - est parue sous la responsabilité de son fils une collection de douze essais préparée par lui-même.
Sa volonté de ne pas s’enfermer dans les « -ismes » divers a certainement ralenti le défrichage de cette oeuvre pourtant si riche de concepts fondateurs pour l’avancée de la connaissance.
S’il fallait en choisir un, la « cybernétique de second ordre » s’imposerait certainement en premier, comme celui qui a fait entrer le système observant dans le système observé, bouleversant ainsi la fameuse « objectivité scientifique », qui s’appuyait sur la séparation de l’objet et du sujet.
Lorsqu’en 1997 on lui demande s’il est constructiviste, il répond :« non, je suis viennois... »
Derrière la boutade apparente se profile pourtant un contexte signifiant : celui de la Vienne des années 20 –Heinz y est né en 1911-, de ses cercles savants initiant le dialogue transdisciplinaire et le questionnement du questionnement.
A son arrivée aux Etats Unis, en 1949, il devient « l’éditeur » des Conférences Macy, baptisées par lui « cybernetics », où il rencontre Gregory Bateson, Margaret Mead, Norbert Wiener, John von Neumann, Warren Mac Culloch, en un échange multidisciplinaire autour de la causalité circulaire et le feed-back dans les systèmes biologiques et sociaux. Il fonde ensuite en 1958 le Biological Computer Laborary, travaillant sur les concepts cybernétiques et leur application à des problèmes aussi bien techniques que sociaux, jusqu’en 1975.