par Isabelle Farcy-Haïd
Pour terminer cette situation, je vais faire état de ma dernière rencontre avec Mr C. qui fût pour le
moins…surprenante pour moi !
Mr C
.me demande de sortir de ma fonction. Il
me met en position de toute puissance, il veut être totalement pris en charge.
Dans un premier temps je fûs submergée par un
sentiment d’agacement face à ce comportement infantile : « il me prend pour sa
mère ! ».
De ce ressenti
je décode le mécanisme du transfert. Mr C. désire que je prenne la place de
cette mère : « occupe-toi de moi ».
Sur le
transfert FREUD précise : Il est
entendu que nous ne cédons pas aux exigences du malade découlant du
transfert ; mais il serait absurde de les repousser amicalement ou avec
colère. Nous surmontons le transfert, en montrant au malade que ses sentiments,
au lieu d’être produits par la situation actuelle et de s’appliquer à la
personne du médecin, ne font que reproduire une situation dans laquelle il
s’était déjà trouvé auparavant. Nous le forçons ainsi à remonter de cette
reproduction au souvenir. »[1]
Alors j’ouvris le courrier pour lui remettre la
lettre que nous avons lue ensemble, je ne pouvais rien en faire, lui seul était
en capacité de répondre à la demande du courrier.
Je lui fis
comprendre que le fait d’attendre l’assistante sociale pour ouvrir ses
courriers n’était pas judicieux puisqu’il n’y avait que lui qui pouvait
répondre au contenu des courriers. J’ai tenté d’estomper cette toute puissance
maternelle en lui signifiant qu’il n’y
avait que lui qui pouvait quelque chose pour lui : « Sois
autonome ! »
Lucian Freud, autoportrait |
Alors
que nous terminions notre entretien, qui portait sur des dossiers
administratifs à compléter, j’étais encore assise et je terminais quelques
prises de notes. Mr. C. se lève pour se diriger vers la porte et me dit au
moment de partir : « Vous
savez c’est dur en ce moment pour moi, l’infirmière vient deux fois par semaine
et elle me fait une piqûre dans le sexe, et bien ça fait mal ! ».
Je ne fis aucun
commentaire, d’abord parce que je restais sans voix !
Je serais
tentée de faire l’hypothèse que M.C. était venu me faire part de son angoisse.
Il y avait dans cette phrase quelque chose de provocateur en premier lieu.
Mr C. me parle
de lui en tant qu’homme dans sa toute puissance symbolique.
S’adresse-t-il
vraiment à l’assistante sociale ?
Pourquoi me
dépose-t-il cela en fin d’entretien ?
Le premier
temps fût le temps de la sidération qui me laissa sans voix ! : « Le caractère provisoire de cette
suspension de la parole est propre à l’étonnement, qui est fugace car sa durée
de vie ressemble à celle de l’étincelle ; elle est vouée à ne pas durer et
à ne laisser que le souvenir d’un « blanc », d’un instant éphémère où
le sujet a été déshabité de la parole. »[2]
J’interprète
cet instant éphémère du « blanc » comme le seul moyen pour moi de
sortir de cet état de sidération. Cette apostrophe de Mr. C. n’attendait pas de
réponse. Avec du recul je fais l’hypothèse que c’est peut être parce que Mr. C.
a pu avec tant d’aisance corréler le
signifiant et le symbolique que j’en
perdis mon latin !
Mr C. ne me
parle pas seulement de sa souffrance physique « ça fait mal » mais
aussi de son angoisse. Je pense en particulier à l’angoisse de
castration : « C’est que
l’inconscient est un absolu concret et que l’image de la castration, son
fantasme, est inséparable de la perte du pénis »[3].
La
démonstration de son angoisse parlait bien de l’angoisse de la perte du pénis
dans le fantasme comme dans la réalité.
Mais pourquoi
me raconte t-il cela à moi, alors que le contenu de l’entretien ne laissait en
rien présager de ce sujet de conversation ?
Lucian Freud |
J’ai cherché ce
qui aurait pu se passer à la fois dans l’entretien ce jour là et sur les
derniers entretiens que nous avons eus.
Je fais alors
cette hypothèse : puisque cette angoisse de castration est toujours
rapportée à la menace du père qui fait Loi : « Derrière le père réel, se cache un père imaginaire qui est
gardien des Lois que nous supposons devoir respecter, ces lois répondent à
notre organisation symbolique toute subjective. Il va sans dire que cette
symbolisation contenue dans le concept de « nom du père » est capitale
pour la psychanalyse. »[4].
J’ai analysé, en faisant le lien avec
l’entretien précédent, que c’était peut être ma position autoritaire, fonction
symbolique du père, pour lui signifier que je n’étais pas sa mère, qui aurait
déclenché chez lui la manifestation de cette angoisse : « L’angoisse de castration est le
moteur d’une symbolisation. Elle est encore ce qui permet le détachement du
premier objet d’amour : une (la mère) de perdue, dix de retrouvées. »[5]
.
Plus je cristallise la relation dans son cadre
légitime pour travailler comme il se doit avec Mr. C., plus il tente de briser
le cadre avec « virilité » ! Puis-je le dire ainsi ?
[1] « Introduction à la
psychanalyse »- Sigmund Freud – ed. Petite bibliothèque PAYOT- 2001- p.
541.
[2] « Les trois temps de
la Loi » Alain Didier-Weill – ed. Du Seuil – 1995 – p.118.
[3] « Les 100 mots de la
psychanalyse » Jacques André – ed Puf que sais-je ?- 2009 –p.23.
[4] Op.cité
« Introduction à la psychanalyse » p.64.
[5] Op. Cité « les 100 mots de la
psychanalyse » p.23.
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