Fin de l'histoire de M. C : un Décodage
identitaire
L’individu se
conforme à ce que le service social attend de lui, il accepte alors d’être un
parmi d’autres au sein du service, il minimise ainsi les risques de blessures
identitaires possibles par le regard de l’autre. Si le
professionnel en face de lui le
reconnaît uniquement dans cette identité « d’assisté social », selon
le terme employé par M. Messu, il n’y aurait peut être pas d’autres demandes de
reconnaissance.
De ces
entretiens, j’entends aussi cette demande de reconnaissance insistante. D’abord
il me dit « qui êtes-vous ? » en me questionnant sur mon
identité, puis « pourriez-vous être quelqu’un d’autre qu’une assistante
sociale pour moi ? » (en
n’ouvrant pas ses courriers) et enfin « moi je vais vous dire qui je suis,
je ne suis pas qu’un usager du service social ».
Il
y a bien là l’expression d’une demande de reconnaissance identitaire multiple.
Dans sa publication, Mr Lipiansky (sociologue)
nous détaille les différents besoins identitaires exprimés dans la demande de
reconnaissance : le besoin d’existence, le besoin d’intégration, le besoin
de valorisation, le besoin de contrôle, le besoin d’individuation.
L. Freud |
Il explique que « La satisfaction de ces
besoins (qui peuvent être convergents, mais aussi, conflictuels) suscite des
« stratégies identitaires » diverses, mais on peut les ramener à deux
grandes motivations : la maximisation des profits narcissiques (qui passe
par la visibilité, la valorisation, l’individuation) ou la minimisation des
risques de « blessures » (qui passe par la mise au premier plan de la
conformisation, de l’anonymisation, du contrôle de soi). »
De cette
approche théorique, je fais le lien avec ma pratique, en particulier avec Mr
C., et je me demande si les accompagnements sociaux n’engendreraient pas dans un premier temps une stratégie
identitaire de type « minimisation des risques de blessures » visant
à inscrire l’individu dans la relation dans l’acceptation du cadre proposé par
le professionnel.
L. Freud |
Seulement
voilà, la relation qui se construit et s’affine entretien après entretien est
construite de mots (de maux) qui se disent, de confidences plus ou moins
confidentielles, d’attente de réponses, de demandes explicites ou
implicites ; cet « assisté social » se met en quête d’une autre
reconnaissance dans le but de (re)construire une image de lui-même.
« On
est donc amené à dire que toute situation d’assistance sociale, quelle que soit
par ailleurs l’ampleur de la relation entretenue avec le professionnel, met en
demeure celui qui la connaît de se repenser lui-même, de confronter l’image
qu’il veut donner de lui à celle qu’il livre effectivement aux autres, d’ajuster
ses attributs identitaires revendiqués à la situation qui est - désormais- la
sienne. En somme, à rendre congruentes images de soi pour soi et image de soi
pour autrui. »[1]
Il me semble
que ce mécanisme identitaire est possible dans une relation inscrite dans une
certaine durée entre le professionnel et l’usager.
Ainsi avec le temps qui passe, on assiste à
une autre demande de reconnaissance revendiquée par l’assouvissement de besoins
tels que les a repérés Mr Lipiansky. On se retrouve face à des individus qui
passent à la seconde motivation en terme de stratégie identitaire, c'est-à-dire
celle qui maximise les profits narcissiques.
C’est ce que je repère concernant Mr C, il
veut être visible autrement à mes yeux, il veut être valorisé autrement que comme
usager du service social. Il en va du travail de congruence qu’il fait entre
l’image qu’il a de lui-même et l’image qu’il voudrait que j’aie de lui.
Isabelle Farcy-Haïd
Isabelle Farcy-Haïd
Merci à Isabelle de nous avoir livré une partie de son mémoire : "De l’accompagnement social à l’autonomie , Il était une fois…la relation"
(D.U. Penser le travail social / Université Toulon Var/ 2010)
(D.U. Penser le travail social / Université Toulon Var/ 2010)
[1] Op. Cité Michel Messu –
« apprendre à être soi lorsqu’on est un assisté social » p.109.
Toutes les illustrations de ce post, et des précédents sur l'Histoire de monsieur C., sont des portraits de Lucian FREUD (1922/2011)
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