25 mai 2012

L'histoire de M. C...Un homme en reconnaissance.

Isabelle Farcy-Haïd offre aux lecteurs du Blog l'accés à son mémoire (D.U. 2009/2010)  "Il était une fois ... La relation " (extraits). Un conte à penser (social) à suivre sur plusieurs semaines ...





Monsieur C.  59 ans, est suivi par nos services (service social polyvalent de secteur / ndlr ) depuis plus de 10 ans. Il a eu à faire à plusieurs assistantes sociales dont moi-même qu’il rencontre régulièrement depuis 4 ans. Sur l’un des  derniers entretiens, Mr C. m’explique qu’il a des difficultés pour régler sa facture d’électricité, il est venu les mains dans les poches, sans aucuns justificatifs. Surprise, je lui demande si il a cette facture sur lui et il me répond « Madame, depuis le temps que vous me connaissez, vous avez tout dans mon dossier, je ne savais pas qu’il fallait amener des papiers ! ».
 Bien sûr que Mr C. savait que le service social réclame toujours des justificatifs mais il me sourit et répond : « On se connaît depuis si longtemps ! »

                                   Voilà cet homme qui connaît fort bien le fonctionnement du service social, le champ de compétence de la professionnelle mais qui tente de faire disparaître  le cadre. Comme si l’ancienneté de l’accompagnement social permettait de le faire.
                              Comme si l’assistante sociale pouvait se soustraire au fonctionnement  institutionnel et reconnaître Mr C. autrement que comme un « usager » du service social. Il veut être reconnu pour sa singularité, il me dit « faites-moi confiance ! ».
                                               Se pourrait-il que cet homme  et d’autres encore  puissent retrouver l’estime d’eux-même et l’estime de l’autre (« faites moi confiance ») auprès de l’assistante sociale ?
                                  
                                   Le cadre de la relation, si l’on part de ce postulat, ne serait pas vécu comme contraignant, au contraire l’espace de la relation ferait lien et  permettrait d’estomper le sentiment de vulnérabilité dans une relation d’interdépendance. L’assistante sociale au sein de l’institution pourrait être alors un maillon permettant à certains individus de se rattacher à un tout, d’être autonome dans le schéma proposé de l’individuation. La reconnaissance est au cœur même de la relation, il me dit « on se connaît depuis si longtemps ! ».

"Fragment Head of Gerald Wilde" Lucian Freud

                                 Un premier fait, antérieur à l’un de nos derniers entretiens, m’interpelle. La secrétaire me rapporte que Mr C. a souhaité prendre rendez-vous avec une de mes collègues, en la citant. La secrétaire lui rappelle qu’il est suivi par moi, qui suis sa référente, et qu’il aura rendez-vous sur une de mes permanences.
                                 Je le reçois donc sur ma permanence et sans attendre de s’asseoir, il me dit : « Mme FARCY, je ne me rappelais plus de votre nom quand j’ai pris rendez-vous, il faut que vous me laissiez votre carte car je me suis trompé d’assistante sociale, il y en a tellement !... » (Nous sommes 4 sur le secteur.)
 Avant même d’avoir commencé l’entretien, Mr C. se justifiait sur cet oubli, sans doute se doutait-il que je le questionnerais.
                                 Je fais là deux hypothèses :     
  • soit il voulait changer d’interlocuteur, ce qu’il n’avait jamais exprimé jusqu’à présent mais quelque chose aurait pu lui déplaire, 
  • soit il cherchait à me dire « vous voyez, depuis le temps qu’on se connaît en fait je ne vous connais  pas. »
   Mr C. ne me connaît pas et il me le signifie en m’interrogeant sur mon identité.                                                  
                                Pour la première hypothèse, je constate ici que Mr C. a reprécisé de lui-même le cadre institutionnel, il connaît le fonctionnement du service et il me l’a verbalisé sans même que j’eusse à le faire ! Je ne saurais pas si il y avait du mécontentement derrière cet oubli parce qu’il n’en n’a rien dit.
 
J.M. VIVES  précise qu’ « En tant que professionnel(le) on ne se met pas en position de connaissance mais en  position de reconnaissance ». [1]

                                 Je reconnais Mr C. dans son histoire, dans sa problématique dans l’accompagnement mis en place. Mr C. me reconnaît dans ma fonction d’assistante sociale et semble me demander autre chose...

                                                                                                                       A Suivre ...

[1] Jean-Michel Vives – Professeur en psychologie à l’Université de Nice -intervention au D.U « Penser le    travail social » le 25/04/2010 Université du Sud Toulon Var.
                                

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