Par un matin de novembre, j’ai vu arriver Coline dans mon bureau. Grande, Blonde, les cheveux longs soigneusement peignés, vêtue avec simplicité mais goût, elle a tout a fait l’allure de la lycéenne idéale. L’image qui me vient dés cette première rencontre est celle d’une princesse de conte de fées. Elle a une jolie voix, claire, un peu aigüe parfois, un vocabulaire recherché. Elle n’est jamais venue ni à l’infirmerie, ni dans mon bureau, depuis trois ans, date de son entrée en seconde. Elle est aujourd’hui en classe de terminale, année de son baccalauréat. C’est une excellente élève, en avance, puisque elle vient tout juste d’avoir 17 ans, mais elle parait légèrement plus âgée.
Coline est d’abord passée voir l’infirmière. Mais celle-ci, après l’avoir écoutée un instant, l’a orientée vers moi « Tu verras, une histoire de famille …. Ca a l’air compliqué » me dit la collègue.
Pour Coline, hésitante au début, il parait en effet difficile de mettre en mots sa situation.
« Je ne sais comment dire … Je sais juste que je ne peux plus supporter de vivre chez moi ».
Coline vit chez ses parents. Tout paraissait très bien fonctionner jusqu’à un incident, qui visiblement la bouleverse encore, rien qu’à son évocation.
Elle a du mal à venir en cours désormais, elle a plusieurs heures d’absences, ne rend plus son travail, se retrouve en conflit avec ses camarades. Elle qui est « un moteur de sa classe » se retrouve désemparée, mise à l’écart, par les autres élèves, qui estime qu’elle fait « du cinéma » quand elle tente d’expliquer qu’elle ne peut plus se concentrer. Les professeurs, par contre, se montrent prévenants, inquiets mais démunis, sans savoir ce qui se passe pour elle. Lorsqu’ils l’évoquent, c’est toujours de façon positive « très intelligente, brillante, agréable » et ils s’interrogent sur son absence prolongée. Ils ont alerté la Proviseur non pas dans un objectif de sanction, comme cela peut être parfois le cas, mais avec une réelle inquiétude, de la déception aussi, de perdre un si brillant élément l’année du baccalauréat.
(...)
Coline décrit une relation très proche avec sa mère car son père « routier, n’est jamais là ». Il n’a jamais vraiment été présent pour Coline et c’est Mme K. (Ses parents ne sont pas mariés) qui a toujours assumé son éducation, son suivi, son quotidien. Sa mère précise-t-elle « travaillait dans le social » ou plus exactement en tant qu’agent d’un service de santé, et « avait beaucoup de contacts avec des assistantes sociales, » souligne-t-elle. C’est une femme très autonome, mais fragilisée depuis sa maladie qui s’est déclarée lors de sa retraite, il y a deux ans. Son père, lui continue de travailler « il est beaucoup plus jeune que ma mère » dit elle d’un air gênée en rougissant. La mère semble s’occuper de tout dans la description qu’en fait Coline et elle définit son père comme « quelqu’un que je ne connais pas vraiment, et c’est pour ça … ». Elle s’interrompt, comme souvent, et les larmes lui montent aux yeux. Dans ces paroles, j’entends une très grande valorisation de sa mère, des propos très positifs et une certaine dévalorisation de son père « il n’a pas fait d’études ; il ne sait pas comment on vit ; il s’occupe que de son boulot…» Lorsque elle parle de son père, son visage s’anime, elle se redresse sur sa chaise, je la vois presque en colère.
« Mon père, n’est jamais là, il est toujours sur les routes avec son travail. Avec ma mère, on s’est fait un petit cocon à nous deux. Et là, il arrive, parce que en ce moment il a moins de travail et il veut faire le père … »
Que s’est il donc passer qui la bouleverse visiblement, car elle n’arrive pas à formuler le nœud du souci qui la préoccupe. « J’ai peur …. Je ne veux plus rentrer chez moi …. Je ne veux plus lui parler …Je refuse d’être dans la même pièce que lui… ».
Pourquoi cette appréhension ? Son père était-il violent avec elle, sa mère ? « Non… mais maintenant oui, je pense… j’ai peur pour moi, j’ai peur pour ma mère » mais cela reste confus, fantasmatique, elle semble décrire un cauchemar. Illustrations R. Dautremer
Dans l’adolescence, période de changement profond, le sujet se retrouve confronté à certaines réalités, une conscience morale « en effervescence », la fin de la période de latence. Pour Coline, cette période apaisée, de calme, de structuration semble s’être prolongée même si sa puberté s’est affirmée, qu’elle a découvert la sexualité, eu des relations avec des garçons, des sorties entre copines, une adolescence normale, banale presque. Presque car Coline n’a jamais rencontré de soucis particuliers, sa scolarité se déroulait sur un tapis enchanté, ses relations paraissent idylliques, avec sa mère … Sauf que cette année, plus rien n’est pareil.
Mais il semble que l’incident à l’origine de tous ces troubles viendra faire éclater la bulle enchantée qui semblait exister autour d’elle. La mère me dira plus tard « c’est comme si tout avait explosé, et je ne comprends toujours pas pourquoi ». ©
A suivre ...
extraits du mémoire "L'A.S. en établissement scolaire : contours d'un espace relationnel avec l'élève" Martine ASSANDRI / D.U. Penser le travail social 2008/2010
1 commentaire:
Il y a 24 chapitres ... comme dans 24 h ?
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